Jérôme LEBORNE,
Doctorant en droit privé à l’Université de Toulon, CERC
Assistant de justice au parquet du Tribunal de Grande Instance de Toulon
Cass.crim., 25 juin 2019, n°18-83.248
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que, le 2 février 2015, en forêt domaniale de Chinon, des agents de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ont constaté une action de chasse impliquant notamment deux traqueurs à pied et un cavalier identifié en la personne de M. X…, adjudicataire d’un lot de chasse ; que, poursuivi pour la contravention de chasse à l’aide d’un mode, moyen, engin ou instrument prohibé, en l’espèce un cheval utilisé comme moyen de poursuite et de rabat, M. X… en a été déclaré coupable par jugement du tribunal de police ; que M. X… et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
Attendu que, pour déclarer M. X… coupable, l’arrêt attaqué énonce que les agents de l’ONCFS ont observé que celui-ci a relayé, par cinq coups de trompe destinés aux chasseurs postés à tir, l’annonce de gibier faite par le meneur des chiens qui avaient levé de grands cervidés et s’est déplacé ensuite, à grande vitesse, à l’aide de sa monture, en poursuivant le gibier levé et en criant “biche à la ligne, biche à la ligne” ; que les juges ajoutent que, s’agissant de la question centrale de l’utilisation du cheval comme moyen de chasse, il résulte des procès-verbaux de l’ONCFS que M. X… a utilisé son cheval non pas comme un auxiliaire de chasse, mais comme un moyen de chasse permettant de forcer et de rabattre le gibier vers les lignes de tir, ce qui est prohibé ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine quant à l’usage du cheval comme moyen de rabat et de poursuite, et dès lors que, d’une part, l’alinéa 6 de l’article L. 424-4 du code de l’environnement prohibe tous les moyens de chasse autres que ceux autorisés même comme moyens de rabat, d’autre part, le cheval ne figure pas parmi les moyens autorisés, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire
L’acte de chasse est défini par l’article L. 420-3 du Code de l’environnement comme « tout acte volontaire lié à la recherche, à la poursuite ou à l’attente du gibier ayant pour but ou pour résultat la capture ou la mort de celui-ci ». La chasse ne peut néanmoins se pratiquer de n’importe quelle manière, impératif de gestion et éthique obligent. C’est ce que vient de rappeler la chambre criminelle de la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 25 juin 2019.
En l’espèce, le 2 février 2015, au cours d’une opération de chasse dans la forêt domaniale de Chinon, des agents de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ont constaté l’implication d’un cavalier qui a rabattu une biche vers deux traqueurs à pieds armés de fusils.
Le cavalier est condamné par le tribunal de police, pour la contravention de l’article R.428-8 3° du Code de l’environnement, réprimant le fait de chasser « à l’aide d’un mode, moyen, engin ou instrument prohibé », en l’occurrence le cheval utilisé comme moyen de poursuite et de rabat.
La Cour d’appel confirme le jugement aux motifs qu’il résulte des procès-verbaux de l’ONCFS que le cavalier a utilisé son cheval non pas comme un « auxiliaire de chasse » mais comme un « moyen de chasse » permettant de forcer et de rabattre le gibier vers les lignes de tir.
Le pourvoi formé par le cavalier est fondé sur une autre opposition, les juges de la Cour d’appel n’ont pas suffisamment distingué entre l’utilisation d’un « mode de chasse » et l’utilisation d’un « moyen de chasse » prohibés, de telle manière que l’arrêt ne dit pas s’il est condamné pour un mode prohibé ou un moyen prohibé. En outre, dans l’un ou l’autre cas, le cavalier estime que les juges du fond ont violé la loi : la chasse à tir à cheval n’est pas un mode de chasse prohibé ; un moyen de chasse n’est prohibé que s’il est de nature à permettre la capture du gibier et à en assurer la prise, ce que ne permet pas de faire un cheval.
La Cour de cassation énonce, d’une part, que l’article L.424-4 du Code de l’environnement prohibe tous les moyens de chasse autres que ceux autorisés même comme moyens de rabat, d’autre part, que le cheval ne figure pas parmi les moyens autorisés ; les juges de la Cour d’appel ayant souverainement apprécié l’usage du cheval comme un moyen de rabat et de poursuite, ont justifié leur décision, la Haute Juridiction rejette le pourvoi.
En effet, aux termes de l’article L.424-4 du Code de l’environnement, les modes de chasse autorisés – désignant « de manière générique et générale, les différentes modalités de capture du gibier »[1] – sont la chasse tir, à courre, à cor et à cri, et la chasse au vol. Ces différents modes de chasse sont encadrés par des arrêtés ministériels desquels découlent la détermination des moyens de chasse.
Les moyens de chasse « peuvent être définis comme les procédés techniques qui permettent, pour chaque mode de chasse, de parvenir à la fin recherchée par l’acte de chasse, à savoir la capture ou la mort du gibier. Il s’agit de l’arme, dans la chasse à tir, des chiens pour la chasse à courre ou encore de la glu, des filets ou des lacets dans certains chasses traditionnelles »[2]. L’alinéa 6 de l’article L. 424-4 précise que tous les modes et moyens de chasse autres que ceux autorisés même comme moyens de rabat, sont prohibés. Il faut donc comprendre que tout ce qui n’est pas autorisé est interdit ; autrement dit, le recours à un mode ou à un moyen de chasse non autorisé est, par défaut, sanctionné. L’article R. 428-8 3° du Code de l’environnement réprime par une contravention de 5ème classe le fait de chasser en violation des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’emploi de modes, de moyens, d’engins ou d’instruments prohibés ou par d’autres moyens que ceux autorisés. La jurisprudence a précisé qu’on doit entendre par engins et moyens prohibés, tous instruments ou méthodes ayant intrinsèquement pour finalité d’effectuer ou de faciliter l’accomplissement d’un acte matériel positif[3].
Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 2012[4], on sait que le rabatteur, qui ne tue ni ne capture le gibier, est reconnu comme un chasseur. Cette qualification ne pose donc pas de problème en l’espèce.
Cependant, et contrairement à ce que soutient le pourvoi du cavalier, la question de savoir s’il « a été condamné pour utilisation d’un mode de chasse prohibé ou d’un moyen de chasse prohibé » est plus claire qu’il n’y paraît : « il ne s’agissait pas d’une chasse à courre puisque la mort du gibier n’était pas provoquée par des chiens associés à des cavaliers, mais par des fusils »[5], il s’agissait donc d’une chasse à tir qui est un mode de chasse autorisé. C’est, par conséquent, un problème de moyen de chasse.
Dans la chasse à tir, les moyens autorisés sont les fusils, par défaut le cheval est un moyen de chasse interdit. Aussi, tout dépend de la manière d’utiliser le cheval : soit il est utilisé comme un moyen de déplacement, et demeure un simple « auxiliaire » de chasse, soit il est utilisé comme un moyen de capturer le gibier, et devient alors un véritable moyen de chasse. Or, la Cour d’appel met en exergue qu’il résulte des constatations des agents de l’ONCFS que le cheval permettait de forcer et rabattre le gibier vers les lignes de tir, constituant un moyen de chasse, et ce prohibé.
[1] P. MAISTRE DU CHAMBON, « Chasse », Encyclopédie LexisNexis, Fasc.20., n°90
[2] P. MAISTRE DE CHAMBON, « Chasse », Encyclopédie LexisNexis, Fasc.20., n°91
[3] Cass.crim., 19 juin 2007, n°07-80.816
[4] Cass.crim., 10 janvier 2012, n°11-82.441
[5] J.-H. ROBERT, « À cheval mais pas à courre », Droit pénal, n°10, octobre 2019, comm.165